L’adolescence constitue une étape cruciale — et souvent éprouvante — du développement biologique, psychologique et social.
Comme le soulignait Françoise Dolto, "c’est peut-être la période la plus douloureuse de la vie." En effet, les adolescents sont fréquemment confrontés à des difficultés psychiques qui peuvent les déstabiliser profondément, affectant également leur entourage familial et social.
Face à ces bouleversements, cet article se donne pour objectif de proposer un ensemble de repères utiles, tant aux parents qu’aux professionnels intervenant auprès de jeunes, afin de mieux comprendre la méthode et l’approche spécifique de la psychanalyse appliquée aux adolescents.
La psychanalyse n’est pas réservée aux adultes : elle constitue également une réponse précieuse aux nombreuses difficultés que peuvent traverser les adolescents.
En leur offrant un espace d’écoute et de parole, cette approche leur permet d’explorer et de mieux comprendre leurs pensées, leurs émotions et leurs comportements. La psychanalyse repose sur le postulat fondamental que, pour véritablement prendre en compte une personne — quel que soit son âge — il est essentiel de lui donner la possibilité de s’exprimer. C’est en accueillant cette parole singulière que l’on peut accompagner le jeune dans son développement psychique et son chemin vers l’épanouissement.
L'adolescence :un passage difficile
L’adolescence est une période charnière, marquant le passage de l’enfance à l’âge adulte.
Elle s’accompagne, pour chaque adolescent, d’une prise de conscience nouvelle de son propre corps, liée aux transformations pubertaires, mais aussi d’une redéfinition de sa relation aux autres. Cette étape de la vie est loin d’être simple : les changements qui s’opèrent sont nombreux, profonds et parfois déstabilisants.
Si la majorité des adolescents traversent ce temps de maturation sans trop d’angoisse, certains vivent cette période comme une véritable épreuve. Les incertitudes, les remaniements identitaires et les tensions relationnelles qu’elle suscite peuvent alors être à l’origine d’une souffrance psychique plus ou moins intense.
Quand faut-il s’inquiéter ?
Il est essentiel de savoir repérer les signes de souffrance qui, s’ils persistent, peuvent entraver le développement psychique de l’adolescent.
Cependant, ce repérage n’est pas toujours aisé : nombreux sont les adolescents qui dissimulent leur mal-être ou l’expriment de manière détournée. Certains signes doivent néanmoins alerter : un désinvestissement scolaire, des conduites à risques ou un isolement progressif sont souvent les manifestations d’un mal-être profond.
La plupart du temps, l’adolescent ne parvient pas à mettre des mots sur ce qu’il ressent — il ne sait ni dire qu’il souffre, ni comprendre les raisons de cette souffrance. C’est pourquoi il est fondamental de lui offrir un espace d’expression, où il puisse, à son rythme, explorer ce qui se joue en lui. En donnant sens à son malaise, il devient alors possible de l’accompagner vers un mieux-être durable.
Que peut apporter la psychanalyse à un adolescent ?
- Une écoute attentive et bienveillante
L’écoute proposée par un psychanalyste permet à l’adolescent d’explorer ses pensées, ses ressentis et ses questionnements les plus intimes. En prenant en compte sa parole sans jugement, le psychanalyste offre un espace où l’adolescent comprend que ses émotions sont légitimes, qu’il a le droit d’en parler, et qu’il peut être entendu en toute sécurité. Ce cadre peut l’aider à identifier des schémas de pensée inconscients, des conflits internes ou des angoisses dont il n’avait pas conscience. - Un soutien dans une période de transition
L’adolescence est une étape de passage, marquée par de nombreux défis : affirmation de soi, transformations corporelles, questionnement identitaire, exigences scolaires, choix d’orientation, pression sociale… Face à ces enjeux, la psychanalyse propose un soutien durable et personnalisé. Elle aide le jeune à ne pas se sentir seul face à ce remaniement profond de son monde intérieur. - Un accompagnement vers la construction de soi
Au cœur de l’approche psychanalytique, la parole joue un rôle central. En mettant en mots ce qui le préoccupe, l’adolescent amorce un travail de subjectivation : il commence à mieux se comprendre et à se positionner face à ses difficultés. Cet accompagnement peut ainsi contribuer à prévenir l’apparition de troubles plus graves comme le refus scolaire, les conduites à risques, les épisodes dépressifs, ou encore les passages à l’acte auto-agressifs.
Comment se déroulent les séances ?
Le plus souvent, l’adolescent se présente au premier rendez-vous accompagné de l’un de ses parents.
En effet, la demande d’aide émane généralement des parents — ou de l’un des deux — inquiets face aux difficultés qu’ils ont pu observer chez leur enfant. Mais l’adolescent va-t-il donner suite à cette démarche entreprise pour lui ? Trouvera-t-il le désir de parler de lui à un adulte inconnu ? C’est dans ce contexte incertain que débute tout travail thérapeutique avec un adolescent.
C’est pourquoi, dès la première rencontre, il est important de lui donner rapidement une place centrale, afin qu’il puisse s’engager dans un travail qui le concerne personnellement. Sa propre demande émergera progressivement, au fil des séances : Pourquoi suis-je là ? Que se passe-t-il en moi ? Qu’est-ce que j’attends de ce lieu ?, etc.
Aussi, est-il essentiel d’adopter une approche souple et adaptée aux spécificités de l’adolescence.
L’adolescent ne parvient pas toujours à exprimer clairement ce qui le tourmente. Pour faciliter l’émergence de la parole, certains supports peuvent alors être proposés : par exemple, le squiggle game, technique élaborée par le psychanalyste Donald Winnicott, les cartes métaphoriques inspirées du jeu Dixit, ou encore le photolangage.
Ces outils offrent une médiation précieuse. Ils permettent à l’adolescent d’aborder ses ressentis et ses conflits internes de manière détournée, créative et moins anxiogène. En ouvrant un espace symbolique, ils favorisent l’expression de soi là où les mots manquent ou sont trop chargés d’émotion.
Nous sommes donc bien loin du schéma classique de la cure analytique fondée sur le dispositif divan-fauteuil, tel qu’il est pratiqué avec les adultes.
Avec un adolescent, il ne s’agit pas de reproduire ce cadre, mais avant tout de l’aider à s’exprimer afin qu’il ne reste pas prisonnier de ses inhibitions, de ses conflits internes ou de ses symptômes. La priorité est de créer un espace suffisamment souple pour accueillir la parole lorsqu’elle se présente, sous des formes parfois détournées ou hésitantes.
Aider un adolescent, c’est aussi, dans une certaine mesure, accompagner ses parents. Leur permettre d’exprimer leurs inquiétudes lors du premier rendez-vous, ou de faire un point au cours du suivi — à leur demande — fait partie intégrante de la démarche thérapeutique. Toutefois, l’adolescent reste toujours au centre de l’attention clinique : c’est autour de sa parole, de son rythme et de son désir de comprendre ce qui le traverse que se construit le travail analytique.
D’un point de vue clinique, la demande d’un suivi psychanalytique pour un adolescent demeure relativement rare, le champ de la psychanalyse étant peu connu du grand public.
Cependant, cette demande existe bel et bien. Lorsqu’elle se manifeste, elle provient le plus souvent de parents déjà sensibilisés à l’importance de la parole dans la compréhension des difficultés psychiques. Cette conscience préalable facilite l’engagement dans le travail thérapeutique et en renforce la portée, tant pour l’adolescent.e que pour son entourage.
