Le silence pour accompagner la parole
On imagine souvent le psychanalyste comme une figure très silencieuse, presque effacée, qui écoute sans intervenir. Cette représentation, héritée autant de l’histoire de la psychanalyse que de la culture populaire et de ses idées reçues, peut décourager certaines personnes d’oser une première rencontre. Elle laisse parfois croire que la thérapie serait une expérience austère, plutôt qu’un véritable moment d’échange et de compréhension. Le silence, loin de rompre l’échange, en constitue au contraire une part essentielle, car il permet au patient d’exprimer ses pensées et de laisser sa parole se déployer naturellement.
L'approche freudienne: laisser toute la place au patient
Historiquement, ce dispositif – c’est-à-dire la manière dont la séance est organisée et la posture du psychanalyste – trouve son origine dans la pratique de Freud. À la demande d’Emmy von N., une patiente viennoise suivie pour des troubles psychologiques, Freud adopta une posture résolument non interventionniste. Plutôt que de guider ou d’orienter le discours, il s’effaçait volontairement, laissant à sa patiente la liberté de déployer ses pensées et associations. Cette approche, sur laquelle repose la psychanalyse, vise à donner à la parole du patient toute sa place, à respecter son rythme et son processus intérieur, et à faire émerger ce qui relève de l’inconscient sans jamais l’imposer.
Lacan et la puissance de la parole
Jacques Lacan reprendra et prolongera cette idée en soulignant que « la parole est la grande force de la psychanalyse ». Il ne s’agit pas ici de la parole de l’analyste, mais bien de celle du patient. Parler librement, faire des associations, hésiter ou rester silencieux : tout cela permet de faire émerger ce qui se joue dans l’inconscient. Le silence de l’analyste n’est pas une absence, mais un outil. En laissant des pauses et en n’imposant pas ses mots, le psychanalyste offre au patient un espace pour s’exprimer pleinement et authentiquement.
Les interventions de l'analyste
Le silence de l’analyste est donc fondamental : il crée un cadre dans lequel le patient peut se laisser parler. Cela ne signifie pas pour autant que l’analyste reste passif. Il intervient ponctuellement pour accompagner et soutenir le processus analytique, en s’appuyant sur ce que le patient exprime. Ces interventions peuvent prendre différentes formes : poser des questions pour clarifier certains propos, relancer ou approfondir des associations, souligner des mots, des répétitions ou des contradictions, ou proposer des interprétations pour mettre en lumière des liens inconscients. L’objectif n’est jamais de diriger ou de juger, mais d’aider le patient à mieux se comprendre en éclairant progressivement ce qui se joue en lui. L’analyste ouvre ainsi des perspectives nouvelles tout en respectant le rythme propre du patient.